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Visite de l’exposition d’art « Vodùn – Art – Héritage » au centre culturel OUADADA de Porto-Novo, Bénin

  • par
Winoc Boton
Date : 20 février 2015
Heure : 0 h 00 min - 0 h 00 min
Lieu: Centre culturel OUADADA
Exposition

babalawoNous ne pouvons aborder l’exposition « Vodùn-Art-Héritage » sans au préalable parler du Fa. fa churchIl est omniprésent dans la vie des populations, on le consulte à toutes les occasions, avant et après chaque rituel, cérémonie, naissance, mariage, décès, etc. « Rien ne se fait à la légère sans consultation préalable du Fa. Cet état de choses s’étend à toutes les couches de base du pays. Il ne faut pas nommer un chef sans consulter le Fa. S’agit-il d’un mariage? Il faut nécessairement que le Fa se prononce sur la nature bénéfique ou maléfique de cette union ; et en dernier ressort, c’est son avis qui est écouté et suivi. Pour un enfant, depuis la grossesse jusqu’à la naissance, sa vie est annoncée et orientée par le Fa qui prédit son destin, et indique s’il y a lieu, les sacrifices « vôssissas et adras » à consentir. » (Hounwanou R.). On comprend donc tout l’attachement que lui accordent les populations et le rôle capital qu’il joue dans leur vie.

fa churchLe Fa est le porte-parole des vodùn, le langage permettant de dialoguer avec eux, de connaître fa churchleur pensées et leurs volontés. Il parle en paraboles, seul le devin, bokonon (Goun) ou babalawo (Yorouba), peut les traduire, les expliquer et prescrire les libations. Beaucoup de personnes disposent d’un Fa, précieusement conservé dans une calebasse et souvent consulté par le bokonon de la famille qui prescrit et fait les rituels, au moins une fois par an.

Dans la société traditionnelle, la vie est engendrée par la combinaison et la fusion de quatre éléments : feu, air, eau et terre. La combinaison et la fusion de ces quatre éléments sont représentées par des signes qui sont reliés à divers symboles. Chaque signe a son histoire, ses contes, ses proverbes et ses recettes qui sont étroitement liés à des plantes, des animaux, des roches, des métaux, des arbres, etc., dont seul le bokonon et les initiés connaissent les secrets. « Toutes les recettes et tous les travaux réalisés avec des plantes sont classés par le babalawo dans les 256 signes, odù de Ifa, ce qui établit fréquemment des liens entre les noms des recettes, les noms des plantes et les noms des odù de Ifa, et ceci plus spécialement avec les deuxièmes noms donnés à chaque odù.» (P. VERGER).

babalawo

collection ouadadaGéo-symbole
Les végétaux, notamment les arbres (ati), occupent une place primordiale dans l’aménagement d’une place vodùn (vodùn honto), et sont indispensables à la pratique du culte. A chaque vodùn est associée une variété de plantes (ama), dont les vertus et l’emploi sont tenus secret par les prêtres (vodùnnon). Elles sont considérées comme des enfants du Ciel et de la Terre, interviennent au niveau de la liturgie, indiquent les lieux vodùn et abritent des divinités. B. Roussel raconte une fable du Fa qui présente le fondement mythique de cette particularité:

« A l’origine du monde, le Ciel (ou, dans certaines versions, Hevioso, le dieu du tonnerre) et la Terre (ou, souvent Anyigbanto, principe féminin de Sakpata, divinité de la variole) étaient mari et femme, aussi proches l’un de l’autre « qu’une calebasse de son couvercle ». De leurs amours naquirent des enfants : les premiers furent les plantes ; vinrent ensuite les kifouly aachaanimaux, puis les hommes. La belle harmonie originelle ne tarda pas à être brisée par le comportement de ces derniers, volontiers querelleurs et bruyants. Le Ciel, lassé de leurs frasques, en fit grief à la terre et sur les conseils perfides de Dan, le python arc-en-ciel, s’éloigna de son épouse. La terre maternelle craignant pour sa progéniture, inventa alors les premières prières, fit les premières offrandes et supplia le Ciel de ne pas abandonner ses enfants. Il se laissa fléchir et pour ne pas frapper injustement les plus sages d’entre eux, les végétaux, envoya la première pluie, créant ainsi le cycle des saisons dont les hommes et les animaux surent aussi en tirer profit. Les herbes et les arbres, apparaissent donc comme les enfants aînés et préférés des dieux, les intermédiaires privilégiés entre l’au-delà et le monde. ».

Winoc Boton

On comprend donc pourquoi les plantes sont étroitement liées aux vodùn, et lorsqu’une plante sacrée n’est pas présente sur un lieu de culte, elle est nécessairement plantée par les adeptes, ainsi le Newbouldia laevis, communément appelé hùnti par les adeptes (vodùnsi) et kpati par les profanes, est obligatoirement planté pour marquer la présence d’un vodùn sur un lieu. Le mot « hùnti » est composé de « hùn », qui veut dire vodùn ou le sang, et « ti » qui veut dire arbre, alors « hùnti » signifie arbre vodùn.

Ferdinand CoshVodùn, offrande et sacrifice
La matérialisation du vodùn est liée aux mythes, légendes, Ferdinand Cosh épopées, contes, et symboles qu’il représente. Il est souvent représenté entre autres par une statuette, des jarres, la ferraille, un tumulus en terre de forme variable comme :

kango legba– Lègba (divinité qui protège la maison, la place publique, le marché, la ville, etc.),
– Sakpata (divinité liée à la Terre, l’un de ses attributs serait la variole),
– Dan (divinité liée au serpent, à l’eau, à l’arc-en-ciel et à la richesse),
– Ogou (divinité liée au métal et adorée par les forgerons et tous ceux qui utilisent des outils en fer),
– Hêviosso (divinité liée à la foudre, au tonnerre et symbolisée par une double hache).
– Des arbres comme lokoti ou iroko (Milicia excelsia) et adjrohùnti ou fromager (Ceiba pentandra) abritent des esprits spécifiques ou des vodùn.

kango legbaLes anthropologues s’accordent pour classer les vodùn en deux grandes catégories : Les vodùn ethniques qui gravitent autour des ancêtres du lignage et les vodùn inter-ethniques qui se manifestent soit dans des phénomènes de la nature soit dans des êtres historiques ou mythiques. Un lien de solidarité, dit Maupoil, unit les vodùn et les hommes, ils se complètent et ne pourraient se passer les uns des autres, et par leurs prières et leurs sacrifices, les hommes donnent la force aux vodùn et assurent leur immortalité.

kininssi

sakpataLe vodùn est régulièrement nourrit par des offrandes comme la farine de maïs, l’huile de palme, l’alcool, la sucrerie, etc., et par le sang et la chaire des animaux comme le coq, le canard, le chien, le mouton, et autres.

Ferdinand Kosh Ferdinand Cosh Ces matières organiques sacrificielles modifient continuellement son aspect visuel, son allure, sa couleur et sa forme, montrant ainsi une prodigieuse imagination des populations et une intensité magique, révélant l’omniprésence du sacré.

Lègba (Goun) ou Eshu Elegbara (Yorouba)
Le lègba chez les Adja-Fon ou Eshu Elegbara chez les Yorouba constitue un élément quasi permanent du paysage urbain, son aspect rustique effraie et impose le respect des lieux où il est installé. Pour ce qui est de la partie visible de l’iceberg, le lègba est fait de motte de terre, parfois ceinturé de tissu blanc ou de toile de raphia, sa représentation varie entre un tumulus de terre aux formes animale ou humaine des plus étranges. Les humains sollicitent le lègba pour transmettre un message à un vodùn ou pour demander sa protection. Il est souvent arrosé par le sang des animaux sacrifiés et recouvert de substances variées constituant les winoc Boton Tohossouoffrandes.

Selon la légende, Lègba aurait vécu à Ijebu au Nigéria. Son origine remonte à l’ethnie des Egba, sous-groupe Yorouba. N’ayant pas de domaine propre à gérer, Lègba serait en réalité le personnage le plus nanti qui pouvait se déplacer librement d’un domaine à l’autre. Il joue le rôle d’intermédiaire entre les Hommes et les divinités, il est le gardien et le messager de tous les vodùn et des Hommes qui ne comprennent pas la langue des dieux.

Adepte et initiation
L’adepte vodùn (vodùnsi) sert de lien entre le profane et le vodùn, il exerce toutes les fonctions cultuelles et est appelé initié, mais tous les initiés ne passent pas nécessairement par le couvent, il y a ceux qui le sont parce qu’un parent détenteur de force sublime, sentant sa mort prochaine, décide de léguer son vodùn à un de ses enfants. Que cela soit en dehors ou au sein du couvent, l’initiation est toujours sélective : c’est le vodùn même qui choisit sa femme, lors de la consultation du Fa.

L’entrée du novice (hùnsi yoyo) dans le couvent passe obligatoirement par une mort symbolique, parfois violente, et une nouvelle naissance. Durant la période initiatique, il est confié à des vodùnsi qualifiés qui lui enseignent les codes de la parole et le forment aux sciences de la vie et à la double fonction vitale et mortelle des plantes. L’instruction dans ces lieux est transmise par la parole, de génération en génération et prend appui sur une connaissance extrêmement minutieuse de l’environnement, le hùnsi yoyo doit reconnaît les vertus thérapeutiques des plantes et ne doit pas ignorer les incompatibilités, ceci lui permet de manipuler le poison avec extrême dextérité. P. Verger fournit un répertoire de 447 formules médicinales, magiques, des lexiques, des noms de plantes et des classifications scientifiques, dans son ouvrage intitulé : « Ewé, le verbe et le pouvoir des plantes chez les Yorùba, Paris, 1997 ». Le couvent forme spirituellement le corps, l’âme et l’esprit du hùnsi yoyo et le façonne avec une telle précision qu’il peut devenir plus tard prêtre ou prêtresse, prenant la relève, pour l’initiation des générations futures.

Marc Houssou sapkataL’art tient une place notoire à travers le chant, la musique, la danse, la mise en scène et la littérature comme les proverbes, les contes, les légendes, les épopées, les histoires, etc. Le hùnsi yoyo apprend à sculpter et à fabriquer des instruments de musique comme des tambours, le hochet, le gong, la flûte, et autres. L’art culinaire, l’hygiène corporelle et la propreté de son environnement sont autant de matières qu’il doit apprendre, car il est formé pour devenir vodùnsi, c’est-à-dire épouse du vodùn et sera à ce titre, astreint à prendre part à tous les rituels de la collectivité familiale, notamment la grande cérémonie, hùnwê, organisée périodiquement pour glorifier les vodùn du lignage.

Cérémonie vodùn, Hùnwê
Le hùnwê est une cérémonie organisée par le lignage pour glorifier les vodùn, elle occasionne la rencontre entre les générations, favorise l’échange et la restitution de l’histoire, et garantit l’unité des familles auxquels l’ancêtre-dieu a donné naissance. « Les cultes ne mettent pas uniquement en jeu un groupe résidentiel. Leur principale fonction est de souder un groupe social, réuni lors de cérémonies, mais quotidiennement dispersé dans la ville, dans le pays et même dans les pays voisins. La grande fête annuelle du hennuvodoun (hunhué), qui nécessite la présence des autres vodoun de l’ako scelle cette unité. » (A.Sinou et B. Oloudé, 1988).

Le hùnwê se déroule principalement sur la pace vodùn (vodùn honto), mais des rituels ont lieu également dans les marchés et dans les rues. Durant la cérémonie, la place vodùn se transforme en un véritable lieu de spectacle. Elle est envahie par des centaines de personnes qui viennent voir la performance artistique des vodùnsi. Les avocê portent des divinités dans leurs mains, sur leur tête ou sur leurs épaules et se dirigent vers les percussionnistes qui sont installés sous le figuier pour danser.

Chaque rythme vodùn est associé à des proverbes, des contes et des légendes que seuls les musiciens initiés connaissent les secrets et jouent avec dextérité. Les instruments de musique utilisés sont souvent des tambours, des clochettes, des gongs, des hochets ou le asso . Les vibrations et les sons émis par divers registres autant par les voix que les percussions, transportent le vodùnsi dans un nouvel état, il est possédé, parle un langage codé et exécute des danses frénétiques.